Mamelodi Sundowns FC : une philosophie entre « cirage et piano »

Le club sud-africain est réputé pour sa philosophie de jeu communément appelée « shoeshine and piano » (littéralement, « cirage et piano »), basée sur la possession du ballon et sur des combinaisons précises à une touche de balle sur l’ensemble du terrain. Lors de la Coupe du Monde des Clubs de la FIFA™, les Sundowns ont démontré que leur style pouvait être compétitif sur la scène internationale en battant l’Ulsan HD 1-0 lors de leur premier match, puis en tenant tête au Borussia Dortmund, s’inclinant sur le fil (4-3). Dans cet article, Aliou Cissé, membre du Groupe d’étude technique, décortique la construction du jeu des champions de Premiership sud-africaine lors de leur match contre Dortmund. Cet article a été rédigé à partir de l’analyse de match de Cissé et Tom Gardner, responsable de l’équipe Analyse des performances et tendances du football de la FIFA.

Contre le Borussia Dortmund, les Sundowns se sont énormément appuyés sur leur gardien, Ronwen Williams (n°30), afin de construire leurs actions. Malgré sa responsabilité sur le premier but du BVB à la 16e minute, le capitaine de l’équipe nationale sud-africaine a continué à s’impliquer dans le jeu de son équipe. Sa volonté évidente d’être au cœur de la construction a notamment permis aux Sundowns de se retrouver en surnombre à l’arrière face au pressing haut de Dortmund, comme l’explique Cissé.

« C’est grâce à lui qu’ils ont pu créer cette supériorité numérique. Avec les quatre défenseurs, plus (Marcelo) Allende ou (Teboho) Mokoena, plus Williams, ils avaient six joueurs impliqués dans la construction à partir de l’arrière et capables de ressortir le ballon, que ce soit pour trouver (Lucas) Ribeiro à l’intérieur ou les ailiers sur les côtés, ou bien toucher directement les attaquants par-dessus. »

La vidéo 1 ci-dessous montre un exemple typique de Williams participant à la construction de son équipe. Cissé détaille comment Williams offre aux Sundowns le surnombre à 5 contre 3 nécessaire pour faire progresser le jeu.

« Les deux défenseurs centraux sont assez écartés l’un de l’autre et les latéraux sont positionnés très haut sur le terrain. On voit également comment Mokoena redescend et crée un petit dédoublement avec Allende, ce qui leur permet de sortir. »

Les données de l’équipe Analyse des performances et tendances du football de la FIFA confirment le rôle déterminant de Williams dans l’organisation du jeu de son équipe. Contre le Borussia Dortmund, Williams a effectué 46 passes en phase de construction depuis l’arrière (passes dans le premier tiers du terrain), soit plus que n’importe quel autre joueur des deux équipes. Le capitaine des Bafana Bafana a également signé les deux matches avec le plus grand nombre de passes dans le jeu par un gardien dans la compétition jusqu’à présent (après 25 matches).

Les milieux de terrain des Sundowns ont joué un rôle clé dans la progression de la construction depuis le premier tiers vers des zones plus avancées du terrain. Mokoena (n°4) et Allende (n°11), les deux milieux défensifs de la structure en 4-2-3-1, ont coordonné leurs courses pour proposer des solutions et créer des espaces. Tandis que l’un d’eux décrochait pour demander le ballon, l’autre courait souvent dans la direction opposée pour entraîner un milieu de terrain du Borussia Dortmund avec lui, libérant ainsi des espaces dans l’axe pour leurs coéquipiers Themba Zwane (n°18 ans) et Lucas Ribeiro Costa (n°10), qui pouvaient alors se proposer alternativement.

Les points sur l’illustration ci-dessous indiquent chaque endroit où Mokoena a reçu le ballon alors qu’il se trouvait devant ou au sein de la ligne la plus avancée des joueurs de Dortmund. Les permutations au milieu de terrain se sont poursuivies tout au long du match et certaines des 46 réceptions devant le bloc adverse ont eu lieu dans des situations où Mokoena décrochait délibérément pour recevoir une passe, comme on peut le voir dans la vidéo 2 ci-dessous. Malgré son esthétique simple, la philosophie « cirage et piano » exige des mouvements constants de la part des milieux axiaux afin de combiner avec Williams et les défenseurs des Sundowns pour construire de derrière.

Outre les déplacements des milieux de terrain du club sud-africain, le positionnement d’Iqraam Rayners (n°13) a été déterminant. L’attaquant est le plus souvent resté en position centrale pour fixer les défenseurs de Dortmund. Pour Cissé, lorsque les Sundowns ont cherché à faire progresser le jeu du deuxième tiers vers les zones offensives du terrain, Rayners a joué un rôle majeur par son positionnement.

« Si vous n’avez pas quelqu’un qui fixe l’adversaire, vous ne marquez pas. Ce point de fixation pousse l’adversaire à adopter la même position. Il pense être bien en place alors qu’en fait, il ne l’est absolument pas. Il fixe ainsi toute la défense de Dortmund. C'est ce qui permet aux autres de pouvoir distiller les ballons dans les espaces. »

Pour finir, Cissé souligne que l’action menant au premier but des Mamelodi Sundowns contre Dortmund reflète à merveille la maîtrise tactique de l‘équipe en phase offensive :

« Williams alerte tout de suite sur l’extérieur, à gauche. À partir de là, ce qu’il faut regarder, c’est surtout la fixation de Ribeiro à l’intérieur. Il ne reste pas à l’extérieur. C’est (Khuliso) Mudau qui est en bas de l’écran, comme vous voyez, qui joue pratiquement en position d’ailier. Ribeiro, lui, vient dans l’axe et la défense adverse est complètement ouverte. Mais tout ça, c’est fait tout simplement de déplacements et d’occupation des zones. »