Étant donné que le beach soccer se joue à effectif réduit (5 contre 5), appliquer un pressing haut sur le gardien adverse comporte un certain degré de risque. Si ce dernier a le ballon en main, il peut s’avérer dangereux de demander à un joueur de quitter son marquage pour aller le gêner. En effet, le gardien sera alors en mesure d’effectuer une relance à la main précise dans une zone dangereuse du terrain.
Comme l’explique Angelo Schirinzi : « Il est beaucoup plus difficile pour un gardien d’être précis sur une passe au pied que sur une passe à la main. Surtout s’il doit d’abord lever le ballon puis le maîtriser une fois en l’air avant de faire la passe. Malgré tout, les gardiens ont beaucoup progressé dans le jeu au pied ces dernières années et cela pose un véritable dilemme aux entraîneurs concernant les stratégies de pressing à adopter. »
À l’issue de l’édition 2024 aux Émirats arabes unis, notre équipe Analyse des performances et tendances du football avait recensé 11 buts inscrits par les gardiens, un record dans la compétition. Ces derniers avaient également réalisé 40 passes décisives et tenté pas moins de 408 frappes. Pour Matteo Marrucci, ces chiffres obligent les équipes à ajuster leur stratégie de pressing en fonction des formations et des gardiens qu’elles affrontent.
« Parfois, les équipes laissent le gardien relancer lorsqu’il a le ballon dans les mains et déclenchent un pressing haut dès que le ballon lui revient dans les pieds. La stratégie dépend aussi de l’influence que chaque gardien a sur le jeu quand il se trouve à la construction de l’action, ce qui est notamment lié à son habileté dans les transmissions au pied et à la main. Il y a beaucoup de paramètres à prendre en compte pour une équipe au moment de décider comment défendre face au gardien adverse, qui plus est dans une discipline avec un rythme aussi élevé », souligne l’intéressé.
Aux Seychelles, lors des premières rencontres de la Coupe du Monde de Beach Soccer, notre Groupe d’étude technique s’est donc penché sur les stratégies de pressing adoptées par l’ensemble des équipes. Et bien que la compétition n’en soit qu’à un stade précoce, des schémas intéressants commencent déjà à se dessiner.
Sur ses deux premiers matches, l’Espagne a principalement défendu en appliquant un pressing haut (46,5% de son temps sans ballon), avec 40 phases de ce type déclenchées. Toujours sur les deux premiers matches, le Brésil – champion du monde en titre – figure aux deuxième rang dans cette catégorie statistique. Un chiffre qui s’inscrit dans la lancée de la stratégie adoptée par les Sud-Américains lors de l’édition 2024, où ils étaient l’équipe qui recourrait le plus au pressing haut.
ESPAGNE – Risques et bénéfices
Les stratégies de pressing adoptées par l’Espagne illustrent à la perfection cette coexistence de risques et de bénéfices. L’extrait ci-dessous, tiré du match de groupe face au Sénégal, constitue un exemple de situation où le pressing haut de la Roja s’est avéré très efficace.
Dans la vidéo 1, on peut voir les Espagnols retrouver leur système en 3-1 dès que le gardien sénégalais Osseynou Faye (n°12) s’empare du ballon. Ils le laissent relancer à la main sur le défenseur gauche Ninou Diatta (n°2) et déclenchent leur pressing immédiatement après. Une fois que le ballon est dans les airs, l’attaquant espagnol Kuman (n°10) sort sur Faye en adoptant une trajectoire volontairement courbée afin d’empêcher le receveur de rejouer avec son gardien et de lui fermer l’angle pour sa prochaine passe. Faye est alors contraint de contrôler de la poitrine, ce qui l’éloigne effectivement de la pression, mais qui lui ferme également toutes les lignes de passe vers ses partenaires. Cette pression s’avère efficace puisque Faye rate sa passe, ce qui permet à l’Espagne de récupérer la possesion et de lancer une nouvelle attaque.
La vidéo 2 illustre comment l’Espagne adapte sa stratégie de pressing face au Chili, en cherchant à empêcher le gardien adverse Orlando Echeverria (n°1) de relancer au pied vers l’avant. L’action est commentée en détail par Matteo Marrucci.
« Sur la perte de balle, l’Espagne se replace en 2-2 et laisse le gardien relancer à la main sur la tête de Sebastián Bolívar (n°2). Ramy Saghdani (n°8) monte alors immédiatement au pressing, mais il est intéressant de noter qu’il anticipe la remise en retrait et se dirige tout de suite vers Echeverria, ce qui le force à reprendre le ballon à la main. Saghdani se replace dès que le gardien se saisit du ballon. Il laisse ainsi Echeverria tenter une relance longue vers l’avant, que l’Espagne parvient à dégager avant de contraindre ses adversaires à jouer à nouveau avec leur gardien. Echeverria commence par contrôler le ballon au pied, ce qui déclenche un nouveau pressing de l’attaquant espagnol, qui se replace dès que le gardien prend le ballon à la main. »
Si notre Groupe d’étude technique a choisi l’extrait n°3, c’est parce qu’il met parfaitement en lumière les risques que présente également cette stratégie.
Matteo Marrucci explique : « Quand Echeverria, le gardien chilien lève le ballon pour jouer au pied, l’Espagne déclenche son pressing. Soleiman Batis [n°9] quitte immédiatement son côté gauche pour le mettre sous pression. Une fois que la relance est effectuée, Batis retourne presser le défenseur droit Diego Opazo [n°6] en lui fermant l’angle afin de l’empêcher de jouer vers l’avant et le pousser à redonner au gardien. Batis retourne alors au pressing sur Echeverria pour le contraindre à prendre le ballon à la main et relancer long. Jusqu’ici, la stratégie de pressing espagnole fonctionne comme prévu. »
Mais c’est là que le facteur de risque intervient, poursuit Angelo Schirinzi.
« En tant qu’entraîneur, vous évaluez toujours les bénéfices et les risques générés par les stratégies que vous mettez en place. Comme on le voit dans la vidéo 2 et au début de la vidéo 3, le pressing espagnol vise à empêcher Echeverria de jouer au pied vers l’avant afin de récupérer la possession sur les relances longues. Néanmoins, dans la suite de la vidéo 3, le gardien chilien parvient à trouver un joueur libre dans le dernier tiers, ce qui aboutit à une occasion franche de marquer. Toute stratégie présente des risques et il convient de les prendre en compte, surtout lorsqu’il s’agit d’appliquer un pressing haut. »
BRÉSIL – Haute intensité
Lors de l’édition 2024, la Seleçao avait remporté le titre grâce à son jeu basé sur l’intensité et le pressing haut. La vidéo 4 ci-dessous est extraite de son match de groupe très disputé face à l’Italie, finaliste malheureuse l’année dernière. Comme on peut le voir, le Brésil semble être revenu avec les mêmes intentions.
Sur la passe en retrait de Gianmarco Genovali (n°4) pour son gardien, Gean Pietro (n°12), l’ailier brésilien Mauricinho (n°11) monte au pressing pour gêner la relance. Mais une fois que le gardien a donné le ballon, Mauricinho reste haut. Ce point est déterminant car l’ailier brésilien aurait pu décider de redescendre pour aller marquer l’adversaire laissé libre à l’opposé. Mais au lieu de cela, il choisit de rester à hauteur du gardien. Quand Genovali reçoit de nouveau le ballon, il est immédiatement mis sous pression par Rodrigo (n°9) avec une grande intensité, ce qui provoque sa perte de balle. Ce pressing efficace aurait pu aboutir à une occasion dangereuse pour les Brésil si l’Italie n’avait pas été sauvée par un excellent contre-pressing.
BELARUS – Pression collective
Si les Bélarusses ne figurent qu’au milieu du classement basé sur le temps sans ballon passé à presser haut, un élément de leur stratégie en la matière a tout de même frappé notre Groupe d’étude technique : leur capacité à presser ensemble, avec beaucoup de maîtrise et de coordination. Dans l’extrait 5, tiré du match de groupe contre le Japon, on peut voir comment ils organisent le pressing dans leur système en 2-2.
Tandis que le gardien nippon Takeru Furusato (n°12) réceptionne la passe en retrait de Takaaki Oba (n°7), le Bélarusse Ihar Bryshtel (n°8) sort presser de manière à empêcher la passe vers Oba, forçant ainsi Furusato à jouer sur Ozu Moreira (n°10). La montée de Bryshtel déclenche celle d’Artsemi Drozd (n°4). De plus, étant donné que Bryshtel reste à hauteur du gardien adverse, Ozu n’a pas d’autre choix que de jouer à l’opposé sur Oba. Cela permet à Yauheni Novikau (n°7) d’anticiper et d’appliquer à son tour un pressing agressif, imité dans la foulée par Bryshtel et Drozd, qui viennent serrer l’espace pour enfermer Oba. Sans autre solution, ce dernier rejoue avec son gardien. Idéalement placé, Bryshtel avait anticipé et parvient à intercepter le ballon.
Résumé
Le fait d’appliquer un pressing intense et coordonné, en restant proches des adversaires, permet aux défenseurs d’influer sur la construction du jeu adverse. En privant le porteur de temps et d’espace, les défenseurs anticipent et orientent la passe suivante, ce qui empêche l’adversaire de dérouler son jeu efficacement et le pousse à commettre des erreurs.
Lorsqu’une telle stratégie est appliquée en restant haut sur le terrain – notamment en pressant le gardien – les bénéfices peuvent être importants, puisque les récupérations surviennent dans des zones dangereuses. Ceci étant, le fait d’envoyer un joueur sur le gardien libère nécessairement un joueur de champ adverse de tout marquage et comporte ainsi un certain degré de risque. Les entraîneurs doivent prendre en considération tous ces paramètres au moment de définir leurs stratégies de pressing, a fortiori si le gardien adverse dispose d’un bon jeu au pied, que ce soit sur les relances ou les frappes lointaines.