La cinquième et dernière partie de notre série offre une occasion unique de voir comment Roger Schmidt parvient à inculquer les principes clés de sa philosophie de jeu en ajoutant deux consignes simples à une opposition classique à 11 contre 11. Dans cette dernière activité, tous les éléments travaillés précédemment sont appliqués en conditions réelles. Il s’agit d’une manière d’améliorer le niveau de jeu et consolider les acquis sans avoir à recourir à de longues explications.
D’après Roger Schmidt, cette approche est particulièrement pertinente pour un entraîneur qui prend la tête d’une nouvelle équipe. Plutôt que de s’attarder sur chaque subtilité tactique, il laisse les joueurs comprendre par eux-même en situation de match. Les deux règles sont mises en place pour inciter les joueurs à développer le style de jeu qui correspond aux idées de Roger Schmidt.
Configuration et structure
L’activité consiste en une opposition à 11 contre 11 sur un terrain de taille standard, avec les deux buts placés sur les lignes des deux surfaces de réparation. Toutes les règles s’appliquent (hors-jeu, touches, corners, etc.). Les deux équipes évoluent dans le dispositif de prédilection de Roger Schmidt, à savoir le 4-2-3-1.
Incitation à rester compact
Règle 1
Si une équipe marque alors que tous ses joueurs se trouvent dans le camp adverse, elle obtient un penalty en plus du but.
Raisonnement tactique
Cette règle est destinée à inciter l’équipe en possession à rester compacte. En conservant une structure resserrée, l’équipe est en meilleure posture pour appliquer le contre-pressing immédiatement après la perte de balle. Cette structure compacte augmente ses chances de récupérer rapidement pour se créer davantage d’occasions.
« En match, l’équipe n’obtiendra pas de penalty pour être restée compacte, mais elle aura repris le contrôle. »
Passe vers l’avant obligatoire
Règle 2
Lorsqu’un joueur réalise une passe en retrait dans son propre camp, le joueur qui reçoit est obligé d’effectuer la passe suivante vers l’avant. Il peut réaliser plusieurs touches, mais doit nécessairement transmettre vers l’avant.
Raisonnement tactique
Cette consigne est destinée à encourager le jeu vers l’avant lors de la phase de construction. Roger Schmidt veut éviter un enchaînement de passes en retrait qui n’apportent rien au jeu. Il préfère travailler la prise d’information rapide, qui permet d’anticiper les solutions vers l’avant et de jouer avec détermination.
La deuxième consigne pousse les joueurs à prendre des risques, en choisissant une solution plus compliquée mais également plus à même de faire progresser l’équipe. L’entraîneur souligne que, dans la plupart des cas, les joueurs ont la qualité pour aller de l’avant malgré la pression adverse, mais qu’ils manquent de confiance. Cette règle les aide à exprimer leur plein potentiel.
Cependant, il n’est pas uniquement question de développer les joueurs individuellement. Cette consigne a aussi une visée tactique. De manière générale, les passes en retrait déclenchent le pressing des adversaires. En montant sur le porteur, ceux-ci laissent des espaces à exploiter :
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derrière le joueur au pressing (si le bloc est trop étiré) ;
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dans le dos de la défense (si le bloc est monté en restant compact) ;
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ou sur le côté opposé (si les joueurs de couloir ont coulissé dans l’axe).
En attirant les adversaires pour ensuite jouer vers l’avant, l’équipe peut prendre en défaut les défenses compactes et initier des séquences offensives dangereuses.
Réflexion sur la série – La philosophie d’entraînement de Roger Schmidt
À travers les cinq parties de cette série, nous avons étudié la façon dont Roger Schmidt, grâce à une séance soigneusement élaborée, inculque à ses joueurs l’état d’esprit, les principes tactiques et l’identité de jeu qu’il veut retrouver dans ses équipes. Il est ainsi possible de faire ressortir les concepts clés qui sous-tendent sa méthodologie, à la fois réfléchie et alignée sur sa conception du football.
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Un message tactique cohérent : chaque activité reflète le style de jeu de Schmidt, qui repose sur la verticalité, l’intensité et la capacité à maintenir un bloc structuré. Ces principes sont intégrés aussi bien au niveau de la conception des exercices que des consignes.
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Anticipation et état d’esprit offensif : les joueurs sont encouragés à prendre le jeu à leur compte, que ce soit en allant de l’avant en phase de possession ou en pressant haut en phase défensive.
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Mise en avant du collectif : Schmidt accorde une grande importance à la cohésion de l’équipe. Les joueurs respectent un schéma commun et travaillent ensemble pour contrôler l’espace et dicter le rythme du jeu, aussi bien en attaque qu’en défense.
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Intensité et détermination : les exercices sont élaborés de manière à pousser les joueurs à mettre plus d’intensité et de vitesse qu’en match. Ils exigent par ailleurs une prise de décision efficace et un niveau de concentration maximal.
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Intensité contrôlée : le temps de jeu est soigneusement planifié afin de permettre aux joueurs d’évoluer à intensité maximale sans perdre en qualité d’exécution ni en concentration.
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Environnement compétitif : le fait de compter les points et d’ajouter des sources de motivation basées sur le jeu favorise un rythme soutenu et entretient l’implication des joueurs. Chaque action est importante.
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L’entraînement comme outil de développement : Schmidt pousse les joueurs à oser, à prendre leurs responsabilités et à se servir de l’entraînement comme d’un espace de progression, et non simplement de répétition.
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Apprentissage implicite via l’ajout de contraintes : plutôt que de surcharger les joueurs d’explications tactiques, Schmidt incorpore des règles et des contraintes pertinentes pour inculquer ses principes de façon plus naturelle et efficace.
Cette cinquième partie permet de reprendre tous les principes vus précédemment en les appliquant à une situation de match, et illustre comment les bons ajustements – même subtils – peuvent avoir une influence majeure sur le comportement de l’équipe et la qualité du jeu.