Pourquoi ces changements ? Avant 2024, la compétition n’avait lieu que tous les deux ans. Le format bisannuel convenait particulièrement aux régions du monde disposant déjà d’un calendrier de compétitions bien structuré. Les joueuses de ces régions participaient régulièrement à des compétitions nationales et continentales de haut niveau tout au long de leur formation, assurant ainsi la continuité de leur développement.
Mais tous les pays n’avaient pas cette chance et une compétition internationale U-17 de haut niveau représentait l’une des rares occasions pour les jeunes joueuses d’évoluer à ce niveau – une opportunité qui ne se présentait que tous les deux ans. Cette disparité entre les régions a eu pour effet d’accentuer les inégalités au niveau mondial. L’augmentation du nombre d’équipes participantes et de la fréquence des compétitions offre désormais aux jeunes joueuses de toutes les confédérations la possibilité de participer aux phases qualificatives et, en cas de succès, à une Coupe du Monde chaque année.
Les quatre experts du Groupe d’étude technique chargé de superviser la Coupe du Monde Féminine U-17 au Maroc s’appuient sur une expertise solide, fruit d’une longue expérience d’entraîneurs de haut niveau, tant dans le football de jeunes que dans le football international. En effet, trois d’entre eux ont conduit une équipe à la victoire dans une compétition internationale. À l’approche du coup d’envoi à Rabat, nous les avons interrogés sur leur parcours d’entraîneur, le nouveau format de la compétition et ses conséquences sur le développement du football féminin.
Groupe d’étude technique
Le nouveau format
Pour faire de cette compétition une véritable « fête du football », la majorité des matches de la phase de groupes se dérouleront à l’Académie Mohammed VI de Football, avec plusieurs rencontres disputées simultanément. Qu’est-ce qui vous plaît le plus dans ce nouveau format ?
Pascal Zuberbühler : J’adore cette idée ! Réunir autant de matches dans le cadre exceptionnel de l’Académie Mohammed VI de Football fera de l’événement une véritable célébration du football. Avec plusieurs rencontres disputées en même temps, une énergie incroyable se dégage ; des styles différents, des émotions intenses, le tout réuni en un seul lieu.
Pour moi, c’est avant tout une question d’échanges. Les jeunes joueuses du monde entier vont se retrouver, partager et grandir à travers cette expérience. C’est ça, la vraie beauté du football : la passion, la diversité et le partage. L’ambiance s’annonce fantastique. Cette organisation offrira à notre Groupe d’étude technique et à l’équipe Analyse des performances et tendances du football de la FIFA l’opportunité d’apprécier toute la richesse et la diversité du football féminin chez les jeunes, le tout dans un cadre fabuleux.
La Coupe du Monde Féminine U-17 a lieu désormais chaque année. D’après votre expérience d’entraîneure ayant accompagné de jeunes joueuses jusqu’au plus haut niveau, quel impact une Coupe du Monde féminine U-17 peut-elle avoir sur la suite de leur carrière ?
Clémentine Touré : Disputer une Coupe du Monde de jeunes permet aux joueuses de se confronter à un niveau d’intensité, de rythme et de rigueur tactique plus élevé. Elles affrontent des sélections aux styles de jeu très différents – européens, asiatiques, africains ou américains. Cette expérience renforce leur capacité d’adaptation tactique et leur culture footballistique, tout en favorisant leur maturité sportive. C’est aussi une façon pour elles d’apprendre à gérer le stress et la pression. Une telle compétition les confronte à la pression médiatique et leur donne l’occasion de développer un réseau de contacts à l’échelle internationale. Elles comprennent les exigences du plus haut niveau et adaptent leur entraînement ainsi que leurs habitudes de vie, qu’il s’agisse de la nutrition, du suivi médical ou d’autres aspects essentiels de la performance.
Les clubs professionnels, les fédérations et les recruteurs suivent cette compétition de près et une bonne performance peut ouvrir les portes de centres de formation à l’étranger, de bourses universitaires ou même de clubs professionnels. De plus, porter les couleurs de son pays dès le plus jeune âge est synonyme de fierté, de confiance en soi et de sentiment d’appartenance. Ces joueuses s’imposent souvent comme des leaders naturels au sein de leur génération. Beaucoup d’entre elles occupent ensuite des rôles clés en équipe nationale, car elles connaissent déjà les exigences et les responsabilités liées à la sélection.
Une expérience précieuse
On parle souvent de l’impact que ces compétitions peuvent avoir sur les joueuses. Mais quelle influence une Coupe du Monde de jeunes peut-elle avoir sur une entraîneure et sur sa façon d’aborder son métier ? Ce nouveau rendez-vous pourrait-il contribuer à former davantage d’entraîneures de haut niveau ?
Mo Marley : Une phase finale, une entraîneure, c’est une expérience riche d’enseignements. Toutefois, sa véritable portée se révèle souvent à travers la réflexion qu’elle suscite, pendant et après la compétition.
Des analyses structurées, individuelles et collectives, qu’elles soient personnelles ou menées en groupe, enrichissent le développement de l’entraîneure. Échanger avec d’autres ayant vécu la même expérience et confronter les points de vue constitue une source précieuse d’apprentissage. Le processus d’analyse d’après-compétition aide à préparer plus efficacement l’avenir.
La mission de l’entraîneure dépasse largement le cadre de la préparation tactique. Dans les environnements plus compétitifs, comme les phases finales, tout paraît plus intense. Les entraîneures les plus performantes sont celles qui dirigent leur équipe avec justesse, tout en restant curieuses et désireuses d’apprendre.
Vous avez remporté la Coupe du Monde Féminine U-17 en 2014 avec le Japon. Comment avez-vous vécu cette expérience, vous et vos joueuses ?
Asako Takakura : Dix ans ont passé depuis notre sacre, mais cette aventure reste inoubliable pour les joueuses comme pour moi. Dans cette tranche d’âge, une compétition mondiale constitue une étape importante. La préparation, l’éveil à la fierté nationale, la tension, la découverte des différences de culture et de styles de jeu d’un pays à l’autre et le respect marquent profondément les jeunes joueuses et influencent durablement leur parcours.
Vous avez aussi dirigé la sélection féminine U-20 et l’équipe féminine du Japon. Certains principes, comme une philosophie de jeu nationale, sont-ils mis en place dès les U-17 ? Si oui, en quoi est-ce important ?
Asako Takakura : Au Japon, la philosophie et le style de jeu s’inculquent dès les plus jeunes catégories, bien avant les U-17. Il n’y a pas un seul facteur clé, mais le fait de mettre en avant certaines idées de base dès l’enfance et tout au long de la formation porte ses fruits. Cette continuité permet à chaque joueuse de développer et conserver sa propre philosophie.
Quelles sont les priorités au moment d’aborder une compétition internationale dans cette catégorie d’âge ?
Mo Marley : L’accompagnement de jeunes joueuses sur la scène internationale nécessite de bien définir ses priorités. Ces joueuses sont souvent au tout début de leur carrière, avec l’ambition de rejoindre un jour l’équipe nationale. Cependant, elles peuvent parfois rechercher le succès immédiat sans se rendre pleinement compte du chemin qu’il leur reste à parcourir. Il faut les aider à comprendre que les joueurs et les joueuses qu’elles admirent sont eux aussi passés les mêmes étapes : la croissance, les réussites, les échecs, les remises en question et la découverte de soi. Nous sommes là pour les guider et les soutenir dans leur parcours, en leur donnant, si possible, la chance de vivre plusieurs expériences internationales à différents âges.
Cap sur Rabat
L’an dernier, la RDP Corée a remporté la Coupe du Monde Féminine U-17 et la Coupe du Monde Féminine U-20 de la FIFA™. Vous étiez en charge du Groupe d’étude technique pour ces deux compétitions. Qu’est-ce qui fait son succès et pensez-vous qu’elle pourra maintenir cette dynamique à Rabat ?
Pascal Zuberbühler : Ce qui frappe avant tout avec la RDP Corée, c’est sa discipline et sa cohésion. Chaque joueuse maîtrise parfaitement son rôle et place toujours le collectif avant l’individuel. Cet état d’esprit n’est pratiquement jamais mis en défait, de la première à la dernière minute.
Techniquement, elles sont très bien préparées, mais ce qui m’impressionne le plus, c’est leur mentalité. Elles ne lâchent rien, disputent chaque ballon avec acharnement et restent toujours concentrées. Leur organisation et leur rigueur sont impressionnantes, que ce soit en défense ou dans les phases de transition.
À ce niveau, ce mélange d’organisation, de confiance et de cohésion les rend redoutables. Alors oui, je les vois tout à fait poursuivre sur leur lancée au Maroc. Elles ont prouvé que la réussite chez les jeunes ne repose pas sur des individualités, mais sur un collectif solidaire.
Calendrier des matches
La Coupe du Monde Féminine U-17 2025 débute le vendredi 17 octobre, avec le match d’ouverture opposant le pays hôte, le Maroc, au Brésil, à l’annexe du Complexe sportif Prince Moulay Abdellah du Stade olympique.